jeudi 6 septembre 2007

En attendant le thé

J'étais étendu sur ce gros coussin informe qui supportait mon affalement avec une indifférence complice. J'étais plongé dans un livre, dans la nonchalance de ce début de soirée chaude de septembre. Elle était là et vaquait à ses occupations, faisant chauffer de l'eau pour préparer un thé qu'elle venait d'apporter. L'odeur des épices qu'il exhalait venait agrémenter ma lecture.

Je l'ai vue venir à moi, mince dans son jean bas aux hanches marquées, avec sa petite poitrine libre balancée dans son pull d'actrice de soie fine, dénudant son nombril dans la houle de son bassin.
Je n'ai rien dit. Je l'ai laissée faire. Elle rougissait de ses pas à mesure qu'elle me souriait avec malice. Elle se mit à genoux, au pied de mon affalement dont la posture indigente m'avait laissé écarter les jambes. Elle prit quelques secondes cet air sérieux de concentration qu'ont les gens qui s'appliquent, juste le temps de balayer une mèche dérangeante qui avait fait irruption devant son visage dans le mouvement de son agenouillement. Elle la plaça derrière son oreille. Elle déboucla ma ceinture. Elle dégrafa les boutons de mon pantalon. Elle glissa sa main et saisit mon sexe à travers mon caleçon.

- J'ai faim.

Ces petites expressions anodines révèlent pour nous leur sens véritable et nous permettent de comprendre notre envie commune de nous éclipser lorsque nous ne sommes pas seuls. Elle aime en jouer dans notre intimité, peut-être par pudeur, mais aussi sans doute avec le plaisir des jeunes initiés à mettre en avant, aux yeux leurs pairs, qu'ils ont quitté le monde des profanes.
Elle découvrit mon sexe de son enveloppe de coton et le tint de sa petite main droite avec la délicatesse de ses doigts, comme un goûter précieux qu'il faut préserver avant de le dévorer.

Je ne disais toujours rien, mais elle savait que je ne pouvais qu'approuver, et quand bien même je m'y serais refusé, elle aurait ignoré mes paroles ou aurait trouvé les évidences dont elle dispose pour me convaincre.
Elle embrassa mon sexe, d'abord d'un ces petits baisers mouillés d'appréhension, que l'on déposerait sur d'autres lèvres, pour voir si on nous le rendrait. Elle en fit un autre plus assuré. Elle se livra à un troisième, décidé, qu'elle finit par une caresse de bout de la langue, triomphatrice, auquel personne ne saurait résister. Ça y est. Elle m'emboucha.
Je fermai les yeux.

Le balancement lent et doux de son geste répété me laissa définitivement offert. L'odeur du thé conféra à la scène un orientalisme qui vint épouser les images mentales de ma lecture nervalienne. Je crus que je m'évadais.
Cette ambiance me disait quelque chose d'un délice éprouvé à Istanbul, grâce aux soins d'une jeune Grecque, il y a quelques mois.

Je revis son appartement de Galata, les odeurs étranges et mélangées, le bruit de la rue et celui de la cour d'à côté, et je la vis surtout, elle, à mes genoux pour mieux me dominer, ses lourds, longs et noirs cheveux bouclés qui agissaient comme un rideau autour de l'attention particulière qu'elle me prodiguait. Je revis les yeux un peu sévères de son assurance méditerranéenne, et ressentis encore les coups de langue jouissifs d'indélicatesse dont elle saccadait son œuvre.

Je nous revis dans ce train qui nous ramenait de Florence, tous les deux dans notre cabine, et l'excitation dans les yeux de Marie, et son envie de faire l'amour. Je la sentais encore qui m'embrassait tout en déboutonnant ma chemise et mon pantalon, et l'allure joueuse de ses baisers lorsque, d'une adresse aveugle, de sa main, elle se saisit de ce qu'elle convoitait, avant de me faire asseoir sur la banquette, de se mettre à genoux de son tour et d'engloutir mon sexe à pleine bouche.
Les mouvements de son art contrebalançaient ceux du train. Ils lui firent me mordiller involontairement. Nous nous en amusâmes. Et puis la porte s'ouvrit... et le cours des choses se suspendit, jusqu'à ce que l'agent de douane, une femme, sourit, rougit, ne sache plus où se mettre, avant de nous laisser avec la promesse de revenir plus tard.


La suite n'en fut que plus sublime. Nous gardâmes la position. Elle enfila une main sous son pantalon, maintint mon sexe de l'autre et commença ses délices masturbatoires, continuant de me sucer à son humeur. Elle était experte.
Elle pesait. Elle mesurait. Lorsqu'elle me sentit trop près d'une sublime délivrance, elle ralentit ses attentions pour accélérer celles qu'elle s'offrait à elle-même. Ça y est. Elle allait jouir. Elle jouit et me fit jouir en même temps en serrant fort et faisant deux ou trois gestes frénétiques – par lesquels je ne comprends pas qu'elle ne m'ait pas brisé – dont elle n'avait pas conscience. Elle était furieuse à jouir... et le demeura encore un peu en s'apercevant qu'elle en avait partout...

Mais la douceur délicate d'Anaïs dans son geste, dans l'ignorance de ma divagation, m'entraîna encore plus loin, où je fus pour la première fois l'objet de la plus particulière des attentions.

Nathalie avait offert, sans raison apparente, les plaisirs si affirmés de ses vingt-deux ans à la curiosité de ma jeunesse. Sans autre précaution préalable que l'expression de son désir, elle disposa sa bouche sur mon sexe et son expérience à mes délices originels en la matière.
Je me revis, bête, allongé immobile, les mains ne sachant où se mettre et résignées à rester avec mes bras le long de mon corps. Je devais être ridicule. Toutes ces choses qui me passaient dans la tête à chercher une contenance alors qu'il suffisait de comprendre qu'il n'y avait d'autre attitude à avoir que de se laisser aller. Cela n'avait pas duré longtemps, du reste. Elle s'en était moquée.


Anaïs ne l'avait jamais fait à personne avant moi. La première fois, elle prit le geste d'un automatisme machinal, de ces caricatures pornographiques. Cette fois-ci, c'est moi qui souris. La tendresse de sa nature et la légèreté de ses dispositions lui ont fait rapidement comprendre qu'il fallait simplement jouer, s'en amuser, et qu'y prendre plaisir pour elle-même était la seule condition pour elle de s'y livrer et pour moi de véritablement en jouir.

Elle a goûté. Elle a aimé. Elle adore. Elle a raison : même quand ce sont elles qui sont à genoux, dans la chose, elles dominent et font ce qu'elles veulent. Elles peuvent exciter notre désir jusqu'à son apogée et nous laisser là, ahuris.
Anaïs l'a compris très vite et s'amuse de m'en menacer. Juste pour voir ma tête, comme elle dit. Je crois que je l'appréhende. Mais je la sais aussi incapable de cette cruauté, qui pourtant aurait des raisons d'être justifiée.

Je rouvris les yeux. Elle enleva ce qu'elle avait dans sa bouche. Elle me sourit et gémit un peu, comme pour me demander si je savourais. Elle me branla, mine de rien, mais toujours avec cette douceur si particulière et bienfaisante, puis me réintroduisit de nouveau.
Son va-et-vient se fit imperceptible, sa langue me caressait en elle, faisait le tour de mon sexe, puis simplement de petits cercles sur mon bout, qu'elle gardait toujours en bouche.
Elle savait ce qu'elle voulait en faisant ça. Je me crispai. Elle l'obtint : trois râles, comme remontant du fond de mes souvenirs ressurgis, accompagnés de trois jets, eux-mêmes flanqués de trois va-et-vient, comme pour tout bien soulager.

Elle m'enleva. Elle grimaça, joyeuse du goût d'amertume. Je ris. Le thé était prêt.

1 commentaire:

Asphodèle a dit…

Il est si beau, ce geste, si doux, si totalement indécent, si absolument dominateur, si chaque fois différent et toujours recommencé, oui, que je l'aime, ce geste qui va et vient avec des relents d'éternité.

Je pense à toutes celles qui se sentent humiliées, je ferme les yeux, et je me souviens du regard ahuri et des sanglots retenus de lui qui devenait fou sous ma caresse, je me souviens de celui-là, la première fois, que j'ai tenu au bord de la jouissance des heures entières, jouant, découvrant un geste que j'avais toujours su, je me souviens de Fabrice, qui attend toujours ma bouche, et je me dis qu'elles sont bien folles.

Vous êtes si beaux, si fragiles, vus d'ici...